Par Ian Baines
Lorsque j’étais étudiant aux études supérieures, au milieu des années 1970, le programme de doctorat était réservé aux personnes qui planifiaient une carrière universitaire ou axée sur la recherche. Aujourd’hui, bien des étudiantEs cherchent, non une vie universitaire, mais au-delà des laboratoires et salles de cours des universités du Canada.
Un ARTICLE récent de présidente de l’ACES, la professeure Brenda Brouwer, remet bien les pendules à l’heure. Il est temps que les facultés des études supérieures conçoivent des programmes qui reflètent une économie fluctuante. Mais elles ne peuvent y arriver seules. Nous, de l’industrie, devons reconnaître les avantages des docteurEs lorsque nous recrutons des employéEs qualifiéEs – et de futurEs dirigeantEs. Et les étudiantEs au doctorat doivent réfléchir à leur apport possible au monde des affaires lors du choix de leurs études supérieures.
Les titulaires de doctorat ont une image quelque peu négative. On les voit souvent comme trop qualifiés pour un poste au niveau d’entrée dans le monde des affaires. Je ne détiens pas ce grade. Par contre, mon père et ma fille l’ont et je suis fier d’eux pour cela. Ce sont des personnes hautement pragmatiques qui partagent mon approche volontariste. Elles ont adopté des rôles concrets dans la recherche ainsi que dans l’enseignement. Mon père a même fait fructifier son savoir-faire dans une entreprise de services-conseils hors du monde universitaire.
Durant ma carrière de 40 ans dans l’industrie, j’ai travaillé avec bien des titulaires de doctorat et j’ai constaté que ce sont des personnes hautement compétentes. Elles ont parfois tendance à consacrer beaucoup d’attention à de petits détails, mais c’est souvent nécessaire dans leur secteur d’activité. Aucune de ces personnes n’est dans le monde universitaire, ni en recherche. Toutes ces personnes ont connu beaucoup de succès. J’attribue cela à leur capacité de se centrer sur une tâche pendant une longue période, de vraiment creuser une question pour la comprendre et la résoudre. Et oui, elles sont aussi, évidemment, très intelligentes. Dans l’industrie, la capacité de travailler en équipe compte beaucoup pour qui veut réussir. Les titulaires de doctorat que j’ai rencontrés ont acquis ce trait. La collaboration est essentielle, en particulier pour les tâches qui exigent d’approfondir. Imaginer combien d’heures et de personnel il a fallu pour concevoir le iPhone. Ou lancer un satellite.
En tant qu’entrepreneur en série, je sais que le succès instantané est une invention d’Hollywood. Si on est chanceux, un projet novateur peut être réalisé en cinq ans environ. La plupart des projets durent plus longtemps. Ce calendrier est-il familier aux étudiantEs de doctorat… la capacité de tout laisser tomber et de se concentrer exclusivement sur un projet ou un produit pendant cinq ans ou plus?
Pendant la phase de développement, il y a peu de fonds disponibles et encore moins de crédit. On dirait un programme de doctorat? Eh bien, ces traits sont également essentiels pour le succès dans l’industrie. » Le succès en affaires vient aux personnes qui persévèrent en dépit des obstacles. Il en va de même pour la recherche.
Voici mes conseils aux étudiantEs de doctorat : choisissez un domaine qui a une importance pratique. Utilisez votre recherche en profondeur pour faire progresser les connaissances en technologie, psychologie ou toute entreprise humaine qui est à l’avant-garde du progrès. Par exemple, il y a des parallèles utiles entre la physique ou les mathématiques avancées et les composants d’ordinateur. Mais ce serait plus difficile d’établir un tel lien avec la littérature française du XVIIIe siècle. Le deuxième choix rendra plus difficile la tâche de trouver un travail où l’apport de la titulaire de doctorat sera utile.
Les facultés d’études supérieures ont la responsabilité d’enseigner des compétences transférables. Certaines personnes du monde universitaire pourraient ne pas être d’accord et dire que les grandes découvertes sont le fruit du hasard. La réalité est que les facultés des études supérieures, les universités, les gouvernements et les étudiantEs sont tous assujettis aux lois de l’économie. Si vous générez un profit à partir d’un produit ou d’un service, vous allez prospérer. Si vous n’y arrivez pas, vous perdez le contrôle de votre avenir et votre succès à long terme est incertain. Une formation transférable est celle dans laquelle la pensée critique et les compétences d’exécution peuvent être adaptées facilement et rapidement à un contexte différent présentant des enjeux semblables. Ce sont les processus de pensée qui comptent, pas le fait de connaître déjà en détail le sujet. L’université enseigne à apprendre et à réfléchir. Le monde des affaires enseigne à ajuster votre manière de penser pour faire un bénéfice.
Il est bon de savoir comment fonctionne le monde des affaires. Tout comme nous, du monde des affaires, devons apprendre comment la recherche fonctionne dans la vraie vie, les doctorants auraient avantage à savoir comment les entreprises font pour réaliser des bénéfices. Il existe un lien étroit entre le fait pour une entreprise d’être rentable et l’obtention d’un emploi. Ce sera là une bonne utilisation de votre temps, parce que vous aurez besoin de comprendre les finances, le marketing et la manière d’équilibrer un budget à un moment ou un autre de votre carrière.
Les professeurEs auraient plus de facilité à comprendre ceci en s’exposant personnellement à cette réalité. Cela exige de prendre du recul par rapport à leurs collègues universitaires et leurs revues savantes et visiter des usines et des professionnelLEs de première ligne dans leur discipline. Des entretiens avec la direction du marketing, de la fabrication et des finances seraient aussi utiles pour savoir comment les entreprises fonctionnent et établissent des partenariats. Il leur faut demander quelles sont les tâches difficiles qui pourraient convenir aux processus de pensée qu’on apprend au doctorat. Et les professeurEs doivent préparer les étudiantEs à ces tâches. Ce ne sera pas facile mais, de toute façon, ce n’est pas facile pour les nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché du travail.
Le même défi s’applique à l’industrie. Vous avez une tâche difficile devant vous? Allez faire un tour dans une faculté des études supérieures pour recueillir des idées. Trop souvent, nous de l’industrie, ne fréquentons que des gens qui nous ressemblent. Nous échouons à apprendre des personnes possédant des connaissances pointues dans un domaine. Il faut tenir des journées carrière conjointes industrie/université et fournir de l’aide aux partenariats. Nous visitons votre établissement d’enseignement et vous visitez notre usine. J’ai vécu mes expériences les plus éclairantes en me promenant sans buts précis et en posant des questions simplettes. Les gens sont heureux de nous aider à apprendre. Et on peut avoir des intuitions ailleurs qu’en contexte d’études.
Ma fille, qui est professeure adjointe à la faculté des sciences infirmières de l’Université Queen’s, vous inciterait à penser à votre formation de cycle supérieur comme étant le moment idéal pour sortir de votre discipline et suivre des cours en administration des affaires (p. ex. des cours ouverts en ligne offerts au grand public); vous renseigner sur les possibilités de bourses commanditées par l’industrie, par exemple au MITACS; ou voir comment vous pourriez obtenir des fonds de démarrage auprès d’organismes tels que MaRS. Avant tout, je vous recommande de LIRE autant que vous le pouvez. Si vous croyez qu’il n’y a pas d’idées rentables dans votre domaine de recherche, vous devez devenir plus créatif dans votre pensée. Ou modifier votre domaine de recherche.
Trop souvent, les étudiantEs avancéEs sont laisséEs de côté simplement parce qu’on ne leur a pas appris à se « mettre en marché ». Si j’ai appris une chose dans ma carrière, c’est qu’il est nécessaire de le faire. Les docteurEs ne font pas exception.
Pour vendre ses idées, ou pour apprendre d’autrui, il faut aller au-devant des gens et leur parler. Pour cela, on peut : se joindre à des organisations professionnelles; aller à des conférences sur des sujets non universitaires; demander à visiter une usine; offrir ses services de manière originale; ou simplement téléphoner. Soit dit en passant aux diplômés : le téléphone est bien plus efficace que le courriel ou les réseaux sociaux pour ce genre de contact. Les docteurEs d’aujourd’hui qui tirent avantage de ces connaissances auront un pas d’avance sur tout le monde.
Vous devez aller à la rencontre du monde et vous présenter. Par téléphone. En personne. VêtuE de manière professionnelle. Avec confiance. Et être prêtE à expliquer, en deux minutes ou moins, comment vous pouvez aider la personne qui vous écoute à résoudre une préoccupation pressante dont la solution pourrait rendre leur entreprise plus rentable.
Ian Baines est président of Windstream Energy, à Kingston (Ontario).